Un nouveau service pour les ados victimes d’abus sexuels
COMMUNAUTÉ. L’organisme Emphase Mauricie/Centre-du-Québec, qui vient en aide aux hommes ayant subi des abus sexuels, a lancé un nouveau service destiné aux adolescents âgés de 14 à 17 ans.
En place depuis le mois d’avril, ce service s’adapte aux besoins et aux spécificités des personnes impliquées et de leur contexte. Le soutien proposé par l’organisme vise à briser l’isolement, à atténuer les conséquences liées à l’abus vécu et à favoriser l’identification de repères, le tout au moyen de rencontres individuelles, de groupes et d’ateliers virtuels.
« On a réalisé qu’il y avait un trou de service pour les garçons adolescents. Le CALACS informait tout de même les adolescents en général, mais il y a certaines particularités comparativement aux femmes ou aux hommes adultes. Pour notre part, nous sommes spécialisés dans les services aux hommes et nous sommes aussi venus nous spécialiser avec les adolescents », indique Claudia Blais, intervenante chez Emphase et responsable du volet adolescent, qui a aussi créé un guide de référence pour mieux intervenir auprès de la clientèle adolescente.
Jusqu’à maintenant, une trentaine d’adolescents ont utilisé le service. Il faut savoir que la majorité des abus sexuels chez les garçons survient avant l’âge de 12 ans. Souvent, l’abuseur fait partie de la famille, précise-t-elle.
« On voit beaucoup la honte chez les garçons et ça entraîne un désir inconscient de se camoufler. Ça entre en contradiction totale avec le fait d’aller chercher des services », souligne l’intervenante.
« On a constaté que plus on intervient tôt, plus on réduit les conséquences d’un abus sexuel sur la vie d’une personne. Quand les hommes adultes arrivent ici pour leur première rencontre, on leur explique un peu tout ce que ça peut affecter dans la vie et plusieurs restent surpris de l’étendue de l’impact. Ils réalisent que certaines attitudes ou certains comportements peuvent provenir de l’agression sexuelle subie pendant leur enfance », explique Claudia Blais.
Les impacts peuvent être nombreux. On parle notamment de problèmes de dépendance, de difficulté à entrer en relation avec d’autres personnes, de troubles d’attachement ou d’opposition, d’hypersexualité, de ne plus être capable d’avoir une sexualité saine, de l’intolérance envers l’autorité ou encore d’hypervigilance. Un homme sur deux utilisant les services d’Emphase souffre également d’un trouble alimentaire.
Dans les écoles
Emphase Mauricie/Centre-du-Québec commence aussi à se déplacer dans les écoles secondaires pour parler de leur service pour les adolescents et, par la bande, aider les adolescents victimes d’un abus sexuel qui ne viendraient pas demander de l’aide. « On a notamment présenté nos services à l’école Paul-Le Jeune à Saint-Tite et à l’école des Pionniers à Trois-Rivières. On est aussi passé au Grand Chemin et chez Autonomie Jeunesse. On commence tranquillement à faire un lien avec les ados dans leur milieu », indique Karine Vallières, directrice générale d’Emphase.
« Si jamais il y a un adolescent abusé dans le groupe, l’atelier vient répondre à des besoins qu’on voit généralement. S’il n’y en a pas, ça prépare l’entourage à répondre à un besoin quand un jeune le dévoile. Ça peut permettre de faire en sorte que l’entourage accueille mieux cette nouvelle, car la réaction des proches est cruciale pour un garçon. S’il dévoile un abus et que ça ne se passe pas bien, il y a beaucoup de chances pour que ça ressorte seulement 30 ou 35 ans plus tard. Si ça se passe bien, il risque d’en parler un peu plus vite à quelques personnes et à ensuite aller chercher de l’aide », détaille Claudia Blais.
« On a également pu suivre un cours de codéveloppement avec plusieurs communautés autochtones. On voulait savoir s’il y avait des caractéristiques plus particulières selon les communautés. Le grand dénominateur commun, c’est qu’on nous a dit d’être attentifs et d’être humain avant tout », poursuit-elle.
10 ans d’évolution…et d’expansion!
Emphase Mauricie/Centre-du-Québec apporte du soutien aux hommes agressés sexuellement depuis maintenant dix ans. Depuis ses débuts, l’organisme a pris de l’expansion, en particulier dans la dernière année.
« Il y a un an, on avait quatre employés. Depuis, on a pu embaucher de nouvelles personnes, de sorte qu’on est rendu à huit employés aujourd’hui. On voulait se mobiliser pour être encore plus présent sur le territoire parce qu’on couvre la Mauricie et le Centre-du-Québec. On était rendu à l’étape de grandir plus comme organisme. Ça nous permet d’avoir des bureaux satellites à Drummondville, Shawinigan et La Tuque », détaille Karine Vallières.
Elle constate que le mouvement #MeToo a accéléré le soutien à la mission de l’organisme, tout comme l’étude Rebâtir la confiance / rapport du comité d’experts sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale à laquelle a d’ailleurs participé Jean-Marc Bouchard, fondateur d’Emphase.
« Nos services restent encore un peu méconnus par la population en général. Les abus sexuels, c’est un tabou, alors les abus sexuels chez les hommes, c’est le tabou dans le tabou, ajoute Mme Vallières. Mais je pense que nos démarches de sensibilisation font en sorte que les hommes font plus appel à nous. Notre expertise est de plus en plus reconnue. Nos partenariats se consolident également, ce qui est une bonne chose, car c’est souvent sous référence que les hommes victimes d’abus sexuels viennent nous voir. »
Il n’est pas rare que les hommes attendent près de 35 ans avant de signaler une agression sexuelle subie en bas âge. Toutefois, l’organisme constate que ce délai semble diminuer un peu. Depuis deux ans, on parle davantage d’un délai d’environ 25 ans.
« L’intervention auprès des hommes diffère de celle auprès des femmes. Par exemple, quand l’homme se sent prêt à en parler, ils veulent un rendez-vous très rapidement parce que ça lui a pris tout son petit change pour demander de l’aide et qu’il a attendu le plus qu’il le pouvait. Il veut aussi des résultats rapidement. Il faut donc cerner leur besoin assez rapidement, remarque Claudia Blais. On va avoir de beaux échanges, mais il faut amener du concret. »
Des services spécialisés pour les autochtones
Face à la demande provenant d’hommes autochtones, les intervenants d’Emphase Mauricie/Centre-du-Québec se sont outillés pour mieux accompagner les hommes abusés sexuellement dans les communautés autochtones de la région.
« Nous voulions être sensibilisés et informés sur la situation dans les communautés. On a donc suivi une formation sur la sécurisation culturelle aux autochtones parce qu’il y a des particularités plus spécifiques », mentionne la directrice générale de l’organisme.
Dans la population allochtone, les statistiques indiquent qu’un homme sur six aurait été abusé sexuellement durant l’enfance. Chez les autochtones, il s’agirait d’un homme sur deux.
« C’est important pour nous d’assurer une présence pour ces hommes, mais surtout une confiance. On est content de pourvoir leur offrir ce service parce qu’on sait qu’il y a un besoin », poursuit Claudia Blais.
L’intervention diffère légèrement avec la clientèle autochtone. Elle est entre autres plus informelle dans sa forme. « Par exemple, on ne regarde pas l’homme dans les yeux pour éviter d’être intrusif et on laisse de longues pauses pour leur laisser le temps de penser à ce qu’il veut dire et de s’exprimer dans la mesure qu’ils n’ont pas tous la même aisance avec le français », ajoute-t-elle.
Pour en savoir plus sur les services offerts par Emphase: emphasemcq.org