Une pincée de sable, une pincée de sel
TRANSPORT. Saviez-vous que les 800 000 tonnes de sel utilisées pour déglacer les routes du Québec en hiver proviennent exclusivement d’une mine située aux Îles-de-la-Madeleine? Que certaines régions utilisent du jus de betterave à sucre pour mélanger au sel afin de le rendre plus efficace par temps froid? Que le ministère des Transports du Québec (MTQ) est responsable de l’entretien d’un réseau routier de plus 33 000 km pondérés*, dont environ 10% se trouvent sur le territoire de Mauricie – Centre-du-Québec?
À l’invitation de la députée Marie-Louise Tardif, L’Hebdo du Saint-Maurice s’est rendu il y a quelques jours au Centre de services du MTQ à Shawinigan afin d’en connaître un peu plus sur le travail qui s’y effectue, notamment celui plus visible des opérateurs de charrues.
« Dans la région Mauricie – Centre-du-Québec, ce sont environ 150 véhicules de déneigement qui sont mobilisés durant l’hiver pour entretenir un réseau routier de 3200 km pondérés », explique Olivier Hamelin, chef des opérations au Centre de services de Shawinigan.
Cinq charrues pour l’autoroute 55
Situé sur la rue de la Voirie, le site abrite cinq charrues qui assurent le déneigement et le déglaçage de l’autoroute 55, du carrefour giratoire, dans le secteur Saint-Georges-de-Champlain, jusqu’à l’autoroute 40 à Trois-Rivières. « En cas de grosses précipitations, deux entrepreneurs avec leur déneigeuse viennent en renfort », ajoute François Désaulniers, chef de service au MTQ pour la Mauricie.
À Shawinigan, afin de s’assurer d’être prêts à intervenir 24 heures sur 24 en cas de tempête hivernale, deux équipes composées chacune de cinq opérateurs et un chef d’équipe se relaient à tour de rôle. Chaque conducteur ne peut travailler plus de 14 heures consécutives et 70 heures par semaine.
En Mauricie, le MTQ compte deux centres de services : celui de Shawinigan et un second à Trois-Rivières, sur le boulevard des Récollets. D’autres points de services satellites sont aménagés à Saint-Tite, Louiseville et La Bostonnais pour pouvoir intervenir le plus près possible des axes routiers de la région. La Mauricie est d’ailleurs l’une des rares régions au Québec où le MTQ est responsable de l’entretien de 104 kilomètres d’une route forestière, c’est-à-dire celle menant jusqu’à la communauté attikamek de Wemotaci et au village de Parent.
Près de 75% de l’entretien des autoroutes et des routes numérotées en Mauricie – Centre-du-Québec sont confiés à forfait. « Le ministère à des devis très stricts et nous avons des surveillants qui s’assurent que toutes les clauses sont respectées. Chaque entrepreneur doit par exemple avoir un entrepôt de sel à tant de km maximums de la route dont il est responsable », relate Olivier Hamelin.
La règle au MTQ est de ne jamais dépasser le seuil de 5 cm de neige sur la route, avec une exception si les précipitations excèdent 15 cm de neige en 24 heures. « Dans ce cas-ci, on va tolérer jusqu’à 6 ou 7 cm sur la route », précise François Désaulniers.
La recette du chef d’équipe
Pour une saison d’hiver normal, c’est environ 7000 tonnes de sable et 5500 tonnes de sel qui sont utilisées au Centre de services de Shawinigan. Pour éviter que le pic de sable ne gèle à l’extérieur, on y intègre 5% de sel. Entreposé à l’intérieur du dôme vert, si caractéristique des centres de services du MTQ, le sel est quant à lui séparé en deux monticules. « On en a un qui est »préhumidifié » avec des éléments chimiques et on va s’en servir dans les conditions sèches, car pour qu’il puisse agir, le sel a besoin d’humidité et de chaleur », explique François Désaulniers.
C’est le chef d’équipe qui détermine quelle matière sera transvidée dans les camions avant qu’ils ne prennent la route. Une chaussée qui cherche à glacer, le débit du trafic routier, un changement de température, le point de rosée, la température au sol ne sont que quelques facteurs qui influencent la décision des matériaux qui seront utilisés. À partir de – 15 degrés Celsius, le sel ne fait plus effet et un abrasif comme le sable est de mise.
Avec une pluie verglaçante, la recette change et les opérateurs prennent la route avec un ratio de trois godets de sel pour un de sable. « C’est la partie la plus aiguë du travail du chef d’équipe. Des fois, les conditions climatiques changent rapidement et les chauffeurs doivent revenir au centre de services décharger leur camion pour le remplacer avec des matériaux mieux adaptés », poursuit François Désaulniers.
En tant que directeur du centre de services à Shawinigan, Olivier Hamelin était particulièrement fier de mettre de l’avant le travail de ses employés, particulièrement celui des opérateurs des véhicules de déneigement.
« Il n’y en a plus beaucoup qui veulent faire ça l’hiver. Faut être disponible le jour, le soir, la nuit, durant les Fêtes, les jours fériés. Ce n’est pas un horaire normal. Rouler en pleine tempête sur l’autoroute à travers des automobilistes qui circulent quand même à 110 km/h, ça demande beaucoup d’attention. Faire ça pendant 12 heures, c’est pas mal plus exigeant qu’un camionneur qui roule 12 heures sur une belle route », conclut-il.
*Par exemple, un tronçon de 50 km d’autoroute à deux voies équivaut à 100 km pondérés.