Une occasion ratée estime l’architecte Renée Tremblay
ACTUALITÉS. Maintenant que le CPE La Tourelle de l’Énergie a décidé irrévocablement de quitter à la fin du mois de mars l’ancienne église Saint-Bernard, au centre-ville de Shawinigan, c’est la fin d’un projet qui aurait pu être extraordinaire estime l’architecte Renée Tremblay qui avait été engagée pour réaliser les plans de réaménagement.
« Transformer une église en un projet contemporain, c’est toujours complexe et c’est des coûts plus élevés. Ce n’est pas un bâtiment standard avec ces fenêtres à vitraux un peu particulières, des pierres massives, des toits galvanisés. Tes portes, elles n’ont pas 80 pouces de haut. Elles mesurent 12 pieds et ont quatre pouces d’épaisseur », énumère la Shawiniganaise qui croit néanmoins que c’était jouable.
Cette réalité jouait dès le départ contre le projet, car le ministère de la Famille alloue des budgets normés aux CPE selon deux critères : le nombre d’enfants dans l’installation et si l’installation doit être construite ou être aménagée dans un bâtiment existant.
Donc, l’enveloppe dont disposait le CPE La Tourelle de l’Énergie était fixe et ne tenait pas compte que la mise aux normes des espaces de l’église coûterait plus cher que dans une installation plus standard.
À titre d’exemple, Renée Tremblay cite que le plancher devait être soufflé afin d’être au même niveau que l’autel. Afin que les coûts de chauffage et de climatisation demeurent raisonnables, un plafond devait être construit pour faire une cloison avec la nef. « Il fallait aussi aménager une cuisine avec une hotte. Ça nécessitait donc de percer un mur de pierre de 18 pouces d’épaisseur pour faire une sortie à l’extérieur « , mentionne l’architecte.
Dans son cahier de charges, le ministère de la Famille exige également que le bas des fenêtres dans une installation soit à quatre pieds du sol alors qu’il est à six pieds dans l’ancienne église Saint-Bernard. « Juste ça, ça devenait très coûteux à réaliser et il y aussi la question : de quoi ça va avoir l’air de l’extérieur? »
Renée Tremblay est d’accord sur le fait que les règles du code de construction doivent être respectées, de même que pour celles en matière de sécurité incendie et de sorties d’évacuations; que la santé et le bien-être des enfants ne doivent pas faire l’objet de compromis. Mais se pouvait-il que le ministère de la Famille accorde des dérogations pour la question de la hauteur des fenêtres s’interroge-t-elle?
Le ministère inflexible
« À 4 ou 6 pieds, je ne pense pas que ça mettait en danger le bien-être des enfants, mais le ministère de la Famille est inflexible sur le règlement. Un CPE doit avoir une salle psychomultifonctionnelle avec une fenêtre. On avait prévu d’en aménager une qui aurait eu une fenêtre intérieure où la lumière extérieure aurait pénétré. On aurait pu même faire un plafond en plexiglas qui aurait donné une vue incroyable sur la nef de l’église. Les fenêtres de l’église ont 20 pieds de haut et il y a beaucoup de lumière qui entre dans la nef. »
Le projet coûtait plus cher qu’un projet de CPE aménagé dans un bâtiment plus standard, mais il devrait y avoir dans un cas comme celui de Shawinigan des discussions entre le ministère de la Famille et le ministère de la Culture qui dispose de budgets pour la conservation des églises. « Le gouvernement a un programme pour revitaliser ces bâtiments patrimoniaux là. Le ministère aurait dû permettre des allègements qui tiennent compte du contexte du bâtiment particulier. Ça aurait été possible de faire un projet extraordinaire là-dedans », termine l’architecte.
L’église mise en vente à 699 000$
Propriétaires de l’ancienne église Saint-Bernard, les frères Alain et Serge Lemieux l’ont mise sur le marché la semaine dernière au prix de 699 999$ plus taxes. Re/Max indique dans la fiche descriptive qu’ « une partie de l’église avait été aménagée pour accueillir un Centre de la Petite-Enfance (salle de jeux, cuisine, salle de repos, toilettes). Emplacement idéal pour centre récréatif et sportif intérieur, salle de réception, service de traiteur, etc. Les OBNL seront privilégiés et pourraient bénéficier d’une exemption de taxes municipales et possiblement de subventions gouvernementales. » Les propriétaires se disent ouverts à financer un éventuel acheteur. Rappelons que le CPE La Tourelle de l’Énergie s’y était installé au printemps 2022, soit il y a à peine deux ans.