L’Ancienne centrale de Grand-Mère à la retraite

PATRIMOINE. 

Vingt ans après l’inauguration de la centrale du Rocher-de-Grand-Mère, Hydro-Québec a entrepris il y a un peu plus d’un an un vaste chantier destiné à faire définitivement de l’Ancienne centrale de Grand-Mère un barrage de retenue d’eau.

Peu de gens le savent, mais la vénérable installation hydroélectrique construite par la Laurentide Pulp and Paper et mise en opération en 1916 n’a véritablement pris sa retraite qu’en 2019 puisque trois des neuf turbines qui l’équipaient étaient remises en marche ponctuellement lorsqu’il y avait un surplus d’eau sur la rivière Saint-Maurice.

« Quand la centrale du Rocher-de-Grand-Mère est démarrée en 2004, il y a eu un décret gouvernemental qui prévoyait que la centrale de Grand-Mère cesse définitivement ses opérations en 2014. Hydro-Québec avait demandé et obtenu une prolongation de cinq ans au décret », explique Jean-François Halley, chef de projets chez Hydro-Québec.

C’est lui qui a la responsabilité de superviser les travaux visant à retirer tous les équipements de l’ancienne centrale et à colmater définitivement les passages hydrauliques qui dirigeaient l’eau vers les turbines.

« Nous avons commencé en 2022 en retirant tous les anciens équipements de raccordement du poste électrique de 69 kv, autant à l’intérieur que sur le toit. L’ensemble du chantier va s’échelonner jusqu’en 2028 et on va évidemment conserver l’intégrité de l’architecture exceptionnelle du bâtiment. »

Actuellement, l’Ancienne centrale de Grand-Mère joue son rôle de barrage grâce aux vannes mécaniques qui empêchent l’eau d’accéder aux neuf turbines. « Ils font la job, mais elles ont été conçues pour 100 ans. Là, ce qu’on va faire, on va sceller chacune des entrées avec un bouchon de béton d’un mètre d’épaisseur », souligne Jean-François Halley.

Neuf turbines, vingt-sept pertuis

Il faut savoir que chaque turbine était alimentée par trois entrées d’eau, communément appelées pertuis. C’est donc un total de 27 ouvertures qui doivent être colmatées.  Une opération qui demande des travaux préparatoires, notamment le nettoyage des pertuis par des scaphandriers. « On va s’assurer aussi de bien nettoyer la partie qui va recevoir le béton afin que tout soit étanche une fois le béton coulé », poursuit le chef de projets.

Parallèlement, Hydro-Québec débutera le démantèlement des neuf turbines à l’intérieur de l’ancienne centrale. Une longue opération puisqu’en raison de l’étroitesse des lieux, les ouvriers ne pourront travailler que sur un équipement à la fois. « Il faut démanteler le groupe 1 pour accéder au groupe 2 et ainsi de suite jusqu’à la neuvième turbine. Il n’y a même pas d’espace pour entrer une grue. C’était la façon de faire les centrales il y a cent ans », relate Jean-François Halley.  

À l’intérieur, on retrouve encore au plafond le pont roulant d’origine installé en 1914, mais il ne pourra être utilisé en raison des normes en vigueur aujourd’hui. À la place, Hydro-Québec installera dans les prochaines semaines un pont de construction qui permettra de manipuler les lourdes pièces métalliques qui composent les groupes alternateurs.

En raison du caractère historique de l’Ancienne centrale de Grand-Mère – avec une puissance de 150 MW en 1916, elle générait 8% du pouvoir électrique de la province et était la 2e en importance au Québec, mais ses turbines de type Francis étaient les plus puissantes au Canada – il est possible que la société d’État en conserve une pour sa valeur patrimoniale, mais ça ne sera évidemment pas dans ses installations d’origine.

Une fois délesté de tous ses équipements vers 2028, le bâtiment servira d’atelier pour le personnel de métier œuvrant à la centrale du Rocher-de-Grand-Mère située du côté Est de la rivière Saint-Maurice.

Une cathédrale hydraulique!

L’Ancienne centrale de Grand-Mère mérite bien son surnom de cathédrale hydraulique du Saint-Maurice en raison de son architecture exceptionnelle. Conçu par l’architecte américain George F. Hardy, son style néo-gothique est directement inspiré de la cathédrale Sainte-Cécile d’Albi, dans le sud de la France. Dans le rapport du BAPE qui étudiait le projet d’aménagement d’une nouvelle centrale, il est mentionné qu’il « est primordial que soient assurées la pérennité et la mise en valeur du bâtiment. » Construite entre 1913 et 1916 par la Laurentide Pulp and Paper, elle est vendue à la Shawinigan Water and Power en 1928 puis passe aux mains d’Hydro-Québec en 1963 lors de la nationalisation de l’électricité.