Québec acceptera jusqu’à 66 500 immigrants en 2025, soit bien plus qu’en 2024
QUÉBEC — Le gouvernement caquiste admettra plus d’immigrants en 2025 que dans les années précédentes.
Le chef caquiste François Legault avait affirmé en 2022 qu’accepter plus de 50 000 immigrants par an au Québec serait «suicidaire», mais en 2025, son gouvernement prévoit en admettre un maximum de 66 500.
Mais selon le ministre de l’Immigration, Jean-François Roberge, le contexte est différent: le pourcentage des francophones admis à l’époque était plus bas, a-t-il plaidé jeudi.
«On respecte la parole qu’on leur a donnée (aux Québécois)», a assuré M. Roberge en mêlée de presse à l’Assemblée nationale.
«Quand on change la grille d’analyse et qu’on augmente le nombre de personnes francophones diplômées au Québec et intégrées au Québec, je pense qu’on peut ajuster notre gouvernance sans d’aucune manière renier ce qui a été dit.»
En 2024, le nombre total devrait être entre 52 000 et 56 000, donc bien moins que les 66 500 prévus en 2025. Et pour les années suivantes? Cela fera partie de la planification pluriannuelle 2026-2028 que le ministre est en train d’ébaucher.
C’est principalement dans la catégorie des travailleurs qualifiés sélectionnés dans le Programme de l’expérience québécoise (PEQ) volet Diplômés du Québec que le plafond augmente considérablement. Il passera de 3800 en 2024 à une fourchette entre 13 500 et 15 000 en 2025.
Pour juguler cette hausse, le ministre a donc fait savoir qu’il allait geler jusqu’en juin prochain le PEQ volet diplômé et le Programme régulier des travailleurs qualifiés (PRTQ), deux programmes permettant d’obtenir la résidence permanente.
Pourquoi ce gel? Parce que le flux actuel de demandes finira par influencer les seuils d’immigration de 2026 avant même que la fixation de ces seuils ne soit déterminée.
«Le traitement administratif des demandes prend plusieurs mois», a expliqué M. Roberge.
«Donc, (les demandes) qu’on pourrait traiter en janvier, février, mars, avril, viendraient teinter ce que sera l’année 2026 avant qu’on fasse l’exercice de planification de l’année 2026. Moi, je n’étais pas à l’aise avec ça.»
L’opposition officielle a dénoncé le gel temporaire du PEQ et du PRTQ.
«C’est s’attaquer à des étudiants internationaux, c’est s’attaquer à des étudiants qui parlent français, qui sont ici, qui ont un logement, qui veulent s’intégrer, c’est s’attaquer à des étudiants qui contribuent à notre savoir collectif», a déploré le député libéral André A. Morin, en mêlée de presse.
L’annonce du gouvernement caquiste arrive à peine trois jours après la présentation par le Parti québécois (PQ) d’un plan détaillé de 90 pages pour réduire l’immigration, mais M. Roberge se défend de réagir aux propositions de ses adversaires.
«C’est dans le « top 3 » des choses ridicules que j’ai entendues dans ma vie», a-t-il répondu avant la période de questions jeudi matin.
«Ça fait des semaines qu’on travaille là-dessus, on a eu des discussions en conseil des ministres (…), ça ne se décide pas sur un coin de table», a-t-il argué.
Cela n’a pas convaincu les partis d’opposition qui voient dans ce gel une volte-face des caquistes.
«Je regrette, mais quand on a une planification rigoureuse, tu publies des chiffres, tu te fixes des cibles et dans ce temps-là, tu n’as pas besoin de faire un (virage à) 180 degrés, tu n’es pas dans la situation où tu passes du tout au rien, 48 heures après le plan d’un parti d’opposition qui s’est penché là-dessus, ce n’est pas normal», a riposté le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon.
M. Roberge a également indiqué que son gouvernement allait tenir compte de l’immigration temporaire, en plus de l’immigration permanente, dans sa prochaine planification pluriannuelle, ce qui n’était pas le cas auparavant.
«C’est un virage à 180 degrés», a également affirmé le porte-parole de Québec solidaire (QS) en immigration, Guillaume Cliche-Rivard, en rappelant que la ministre précédente, Christine Fréchette, excluait pourtant le PEQ de sa planification pour éviter de plafonner ce nombre.
«Pendant des mois j’ai revendiqué une meilleure planification de l’immigration temporaire, on me l’a refusée, et on revient enfin à la raison, tant mieux.»
Cet été, Québec a annoncé une suspension de six mois du programme des travailleurs étrangers temporaires pour les emplois à bas salaires à Montréal. Il y a quelques semaines, le ministre a déposé un projet de loi pour réduire le nombre d’étudiants étrangers, sans toutefois s’avancer sur une cible.
Le PQ a affirmé lundi qu’il voulait imposer un moratoire sur l’immigration économique permanente provenant de l’extérieur du Québec.
La semaine dernière, Ottawa a annoncé une baisse de 20 % de son immigration permanente.
Le premier ministre François Legault a déjà laissé entendre que cette diminution n’était pas suffisante.
C’est une des récriminations constantes du gouvernement caquiste, qui demande au fédéral de réduire le nombre de demandeurs d’asile installés au Québec.
La CAQ soutient que le Québec n’arrive plus à fournir des services et des logements à cet afflux de nouveaux arrivants.
À l’automne 2024, il y avait 588 263 résidants non permanents au Québec, selon Statistique Canada, dont 163 000 demandeurs d’asile et 425 000 titulaires de permis de travail et d’études ainsi que leur famille.
Pomme de discorde entre Ottawa et Québec, l’immigration est un champ de compétence partagée.
En vertu d’un accord Canada-Québec signé en 1991, le Québec contrôle le volume d’entrée de ses futurs résidents permanents, les immigrants économiques, ainsi que leur intégration et francisation. L’immigration économique a représenté 66 % de l’immigration permanente en 2022.
Le fédéral s’occupe des réfugiés, de la réunification familiale et des enjeux liés à la citoyenneté.
Le Québec peut recevoir un pourcentage du total des immigrants arrivant au Canada qui équivaut à la proportion de sa population au sein de la fédération. À l’heure actuelle, le poids démographique du Québec est d’environ 22,3 % de la population canadienne.