Dépôt de trois projets de loi en Alberta sur l’identité de genre
EDMONTON — Le gouvernement de l’Alberta a déposé jeudi trois projets de loi visant directement les personnes transgenres et les élèves qui veulent utiliser leurs pronoms préférés à l’école.
Le gouvernement conservateur de Danielle Smith a déposé un premier projet de loi qui obligerait les jeunes de moins de 16 ans à obtenir le consentement de leurs parents s’ils souhaitent changer de prénom ou de pronoms à l’école.
Quelques instants après le dépôt du projet de loi à l’Assemblée législative, les organisations LGBTQ+ Egale et Skipping Stone Foundation ont annoncé qu’elles intenteraient une action en justice, la qualifiant de discriminatoire.
Une loi similaire est en vigueur en Saskatchewan, où le gouvernement a invoqué la clause dérogatoire, une mesure qui permet aux gouvernements de passer outre certains droits garantis par la Charte pendant une période allant jusqu’à cinq ans.
Mme Smith a déclaré aux journalistes qu’elle pensait que la Charte permettait de limiter des droits et que les restrictions imposées par son gouvernement étaient raisonnables.
«Nous avons toutes sortes de restrictions sur la capacité des mineurs à prendre des décisions. Et nous le faisons parce que nous voulons nous assurer qu’ils sont pleinement capables de prendre des décisions qui auront des conséquences pour eux», a-t-elle expliqué.
Le projet de loi albertain obligerait aussi les écoles à obtenir l’autorisation des parents pour que leur enfant ait droit à des cours sur l’orientation sexuelle et l’identité sexuelle et de genre.
Mme Smith a indiqué que les parents doivent savoir ce qui se passe avec leurs enfants.
«Cela viole les droits garantis par la Charte»
Bennett Jensen, directeur juridique chez Egale – l’un des deux groupes qui ont également poursuivi le gouvernement de la Saskatchewan en justice – a déclaré à La Presse Canadienne qu’aucune des politiques n’est raisonnable ou équilibrée et qu’elle va à l’encontre du consensus des experts et des preuves.
«Cela viole les droits garantis par la Charte aux Albertains et causera des dommages dévastateurs», a-t-il soutenu.
Bennett Jensen a déclaré que les tribunaux ont clairement indiqué que les enfants et les jeunes ont des droits et que les gouvernements ne peuvent pas se concentrer sur un sous-ensemble spécifique de jeunes et leur refuser des droits.
Lorsqu’on lui a demandé comment les règles seraient appliquées dans les écoles, Mme Smith a expliqué que la Commission de la profession enseignante de l’Alberta avait le pouvoir de sanctionner les enseignants.
Les exigences ne s’appliqueraient pas dans les écoles des Premières Nations, mais les élèves autochtones bispirituels des écoles gérées par la province y seraient soumis.
Un deuxième projet de loi interdirait aux médecins de soigner les jeunes de moins de 16 ans qui souhaitent recevoir des traitements pour les personnes transgenres, comme les bloqueurs de puberté et l’hormonothérapie.
Actuellement, la politique nationale limite la chirurgie génitale aux personnes de 18 ans et plus, et de telles procédures n’ont pas lieu en Alberta.
Le projet de loi interdirait également aux professionnels de la santé réglementés d’effectuer toute chirurgie d’affirmation de genre, y compris la chirurgie du haut du corps, sur des mineurs.
Bennett Jensen a souligné que la législation cible les jeunes transgenres, tout en permettant aux jeunes non transgenres de subir une chirurgie du haut du corps ou de recevoir une hormonothérapie et des bloqueurs de puberté pour des raisons médicales.
«C’est discriminatoire et basé sur des préjugés», a-t-il déclaré.
Les responsables gouvernementaux ont déclaré que la chirurgie du haut du corps est très rare. Mme Smith a déclaré que le gouvernement ne sait pas combien de mineurs ont accès à des bloqueurs de puberté ou à une hormonothérapie.
«Nous voulons simplement nous assurer qu’il est très clair que ce sont des décisions d’adultes qui doivent être prises par des adultes», a-t-elle ajouté.
Kellie-Lynn Pirie, qui a subi une transition avant de revenir à son sexe assigné de naissance, est la fondatrice de DeTrans Alliance Canada. Elle a indiqué lors d’une conférence de presse du gouvernement qu’elle n’était pas prête à prendre cette décision qui changerait sa vie, même à l’âge adulte.
«Ce n’est tout simplement pas une décision que nous pouvons attendre des enfants», a-t-elle assuré.
Un projet de loi ciblant les athlètes
Le troisième projet de loi interdirait aux athlètes transgenres de participer à des compétitions féminines de sport amateur. Il obligerait aussi les écoles et les organisations sportives à signaler les plaintes relatives à l’admissibilité des athlètes.
Le gouvernement a indiqué qu’il visait à protéger l’équité et la sécurité dans le sport.
Le ministre du Tourisme et des Sports, Joseph Schow, a déclaré que l’enregistrement du sexe assigné à la naissance déterminerait l’admissibilité à la compétition. Cette documentation est accessible auprès des autorités provinciales.
Mme Smith a indiqué qu’elle souhaite que les ligues sportives créent des divisions mixtes pour garantir que tous les athlètes puissent concourir.
De nombreuses organisations se sont prononcées contre ces politiques, annoncées pour la première fois il y a neuf mois, notamment Amnistie internationale Canada, l’Association médicale canadienne et l’Association des enseignants de l’Alberta.
Le projet de loi proposé intervient quelques jours avant que les membres du Parti conservateur uni de Mme Smith ne votent lors de son examen de la direction samedi.
S’adressant aux journalistes jeudi, le chef du Nouveau parti démocratique (NPD), Naheed Nenshi, a déclaré que le gouvernement de Mme Smith «s’en prend aux personnes vulnérables» pour flatter la base de son parti, et il l’a exhortée à arrêter.
Interrogé sur la position de la première ministre selon laquelle la législation est conforme à la Charte, il a déclaré qu’il soupçonne que la plupart des tribunaux ne seraient pas d’accord. Il a exhorté Mme Smith à laisser les tribunaux décider.
M. Nenshi a déclaré que son parti souhaite que tous les Albertains, y compris ceux de la communauté LGBTQ+, n’aient pas à s’inquiéter de savoir si leurs droits seront supprimés.
Janis Irwin, une députée néo-démocrate ouvertement gaie, a déclaré avoir entendu des milliers de personnes qui ont le sentiment de «ne pas avoir leur place» en Alberta.
Marni Panas, une femme transgenre, a expliqué qu’il y a beaucoup de désinformation et de mensonges sur les personnes transgenres et les soins de réaffirmation du genre.
«Si vous apprenez à nous connaître (…), vous commencerez à comprendre que vous n’avez rien à craindre de nous», a-t-elle déclaré.