Raconter avec les yeux du passé

Saint-Élie-de-Caxton a peut-être Fred Pellerin, mais le village de Grandes-Piles a aussi son conteur, mais lui, il raconte avec la lentille de son appareille photo.

Réjean Boisvert a 78 ans. Né à Grandes-Piles, il a fait partie des draveurs qui ont travaillé dans son village et ailleurs en Haute-Mauricie. Pendant plus de quarante saisons, il a suivi les billots de bois dans leur descente vers Trois-Rivières. Et lors de chacun de ses voyages, il avait son appareil photo au cou.

«Avec les années, j’ai accumulé environ 30 000 photos de l’histoire de la drave au Québec et principalement de Grandes-Piles, raconte-t-il. J’ai pris énormément de photos sur le bateau ou les pieds dans l’eau, mais beaucoup d’entre elles m’ont été données». Avec un tel trésor historique, les citoyens de Grandes-Piles ont voulu en faire partager le plus de gens possible. «M. Boisvert gardait les photos collées dans des albums, placés dans un réfrigérateur de son garage pour les garder en sécurité si par malheur la maison brûlait», rigole Geneviève Ricard, responsable des communications pour la Société historique Réjean Boisvert.

C’est ainsi qu’il y a cinq ans a vu le jour la Société historique Réjean Boisvert, qui a pour but de préserver les photos et documents que l’homme a conservés tout au long de sa vie. Et pour chaque cliché, M. Boisvert connaît l’histoire qui l’accompagne. Grâce aux nouvelles technologies, des photos vieilles de 1878 ont pu reprendre vie. «Il y en a qu’on ne voyait plus rien et ils ont réussi à faire ressortir l’image, raconte Réjean Boisvert, encore épaté par les nouvelles ressources d’aujourd’hui. Ce n’est pas comme dans mon temps, avec ma chambre noire dans une cave de sable. Tout rouillait !»

Les bénévoles réussissent donc à restaurer des photographies tachées, déchirées, jaunies ou avec de l’écriture dessus en les numérisant et les corrigeant à l’aide de logiciels tels que Photoshop et iPhoto. Les gens peuvent alors découvrir l’histoire de Grandes-Piles et de l’industrie forestière, avec le flottage et le transport par camion ou par train.

Les mardis et mercredis, les bénévoles s’affairent à la restauration des photos, tout en accueillant les curieux qui souhaitent remonter les époques. La municipalité prête l’ancien presbytère du village en guise de salle d’exposition et aide monétairement à la pérennité de l’organisme.

Parmi ses éventuels projets, la Société d’histoire Réjean Boisvert orchestre l’élaboration d’un parc historique dans le village à l’endroit où étaient situées les anciennes usines Boisvert, qui autrefois fabriquaient des manches à outils. «Lorsque la neige sera fondue, nous installerons deux panneaux pour commencer le parc. Le premier accueillera les gens en leur expliquant brièvement l’histoire de Grandes-Piles et le second sera consacré aux usines Boisvert avec des photos et textes», explique M. Ricard. Au fil de son évolution, le parc devrait ultimement offrir un sentier avec plusieurs panneaux explicatifs.

Prochainement, la Société d’histoire Réjean Boisvert tiendra un atelier de correction de photos destiné au public qui aura lieu dans deux semaines au restaurant Les copains d’abord.

Avec l’âge, Réjean Boisvert ne photographie plus autant qu’avant. La passion par contre est toujours présente. Ses modèles ont également beaucoup changé, passant de l’industrie forestière à ses anciens chiens, Violon et Muse.