Handicapé à 38 ans

«Ata quoi ?», s’exclame Yves Therrien lorsqu’on lui diagnostique une ataxie spinocérébelleuse à l’automne 2006. À la suite d’une chute violente, l’homme alors âgé de 38 ans, voit son existence basculer en raison de cette maladie dégénérative qui affecte principalement le système nerveux et les mouvements de coordination. Après avoir encaissé ce dur coup du sort, le fonctionnaire décide de se relever. L’espoir et le courage sont ses armes pour attaquer cette deuxième portion de sa vie.

Une vie sans faux pas

Du plus loin qu’il se souvienne, Yves Therrien a vu la vie avec des lunettes roses. «Ça vient de mon enfance, cette façon de voir la vie du côté positif. Mon père est mort alors que j’étais très jeune et j’ai rapidement appris des valeurs comme le respect et le courage grâce à ma mère», déclare l’homme de 44 ans, natif de Grand-Mère. De son propre aveu, il indique que la vie lui a été favorable.

«J’étais bon en sport, j’ai bien réussi mes études et j’ai décroché un emploi convoité en tant que fonctionnaire pour la Commission canadienne des droits de la personne au gouvernement fédéral à Ottawa, dès que mes études furent terminées. J’ai occupé diverses fonctions, dont celle de vérificateur enquêteur où je me suis déplacé à travers le Canada pour établir un dialogue avec les entreprises sur l’embauche de minorités visibles ou de personnes ayant des limites fonctionnelles. J’ai toujours eu un intérêt envers les personnes différentes et le poste me convenait parfaitement. J’avais vraiment le vent dans les voiles !»

À cette carrière de défense de la justice et de l’égalité pour tous les Canadiens, M. Therrien trouve une épouse et devient père de deux filles. «Un jour de l’automne 2006, alors que je raclais des feuilles au camping où j’aimais bien aller, j’ai vécu l’un des pires moments de ma vie.»

L’accident qui change tout

L’homme qui se trouvait sur une pente abrupte glisse sur des feuilles et dévale la pente sur laquelle il se trouvait, pour terminer sa chute en fracassant un arbre. «Rendu là, j’ai perdu des bouts. Je me suis évanoui en dessous de l’arbre et ce sont des gens qui m’ont trouvé dans cette position qui m’ont conduit jusqu’à l’hôpital».

L’hôpital. M. Therrien en parle comme d’un endroit où il a vécu de grands chocs et de sérieux questionnements. Le diagnostic s’est alors fait attendre pour celui qui découvre qu’il a des troubles de coordination et la jambe gauche paralysée. «On m’a parlé de chaise roulante et du fait qu’il serait possible que je ne marche plus désormais. On appelle ma condition : ataxie spinocérébelleuse. Je n’en revenais pas, j’ai passé des jours à pleurer et à être dans un état de panique», raconte l’homme qui venait à ce moment de vivre trois décès et un divorce.

«Je me suis replié sur moi-même, trop orgueilleux que j’étais pour aviser mes proches de la gravité de ma situation. Je voyais aussi d’un œil inquiet la suite de ma carrière au gouvernement. Bref, j’en avais beaucoup sur les épaules et j’ai vécu de grandes réflexions». Deux mois passés à l’hôpital et deux autres mois dans un Centre de ressources internes à Hull ont été nécessaires afin de réhabiliter le fonctionnaire.

«Le centre, j’ai dû insister pour l’intégrer, car on voulait me renvoyer chez moi sans plus de façons. Je n’avais pas de maison adaptée et je voulais prendre de la confiance et de la force pour affronter ce changement de situation majeure. J’ai levé le ton et j’ai fait à ma tête pour qu’on me transfère vers un endroit où j’allais pouvoir faire de réel progrès rapidement avec l’aide d’ergothérapeutes, de physiothérapeutes et de travailleuses sociales».

Se relever et continuer

Puis vient le temps pour le malade de quitter le centre et de réintégrer sa vie. «Je ne mentirai pas la marche a été haute. Ça m’a pris un bon trois ans à faire mon deuil et à voir ma condition s’améliorer!» J’ai dû délaisser plusieurs sports que j’adorais et faire des compromis, mais au moins j’avais conservé l’usage de mes deux jambes et je prenais du mieux.»

Puis, le destin fait en sorte qu’une amie d’enfance qui apprend sa situation prend contact avec lui. M. Therrien ne se doute pas alors qu’il retrouvera l’amour grâce à cette femme. «On s’est revu Josée et moi, puis ça a fonctionné immédiatement. Nous sommes deux personnes foncièrement positives et ma condition ne l’a pas repoussé, au contraire, elle m’a toujours dit qu’elle admirait ma force intérieure.» Cette force, le quadragénaire la tient responsable de sa guérison qui dépasse les attentes médicales. «Je ne me suis jamais laissé intimider par les présages parfois alarmants des médecins et j’ai décidé d’être mon propre médecin ; de faire ma réadaptation à ma façon !». Et cela semble lui réussir.

De retour dans le secteur depuis cinq ans, à Saint-Georges-de-Champlain, Yves Therrien ne chôme pas. Même si il est en retraite médicale au gouvernement, il s’est impliqué auprès de l’organisme communautaire Handicaps Soleil pendant quatre ans, dont deux à titre de président du conseil d’administration. Il a aussi eu comme mandat de rassembler, représenter et soutenir le plus grand nombre de personnes usagers du transport adapté et collectif du Québec à l’Alliance des regroupements du transport adapté du Québec.

«Je me suis impliqué à travers le bénévolat, car je veux profiter de mes connaissances dans le domaine des infrastructures et celle que j’ai en tant que handicapé pour faire une différence. Mon but premier est de redonner espoir aux gens par des petits gestes ou des paroles. Je continue aussi à aller au camping. à sortir dans les magasins ou à aller voir jouer les Cataractes», indique-t-il. Pour Yves Therrien, la vie continue.

Sourire et apprécier chaque instant

À voir les étoiles dans les yeux de l’homme lorsqu’il parle des projets qu’il désire entreprendre, on ne peut qu’admettre que sa condition n’est pas ce qui l’arrêtera de foncer. Yves Therrien parle avec enthousiasme d’écrire un livre ou de s’impliquer dans des postes décisionnels à l’échelle provinciale.  «J’ai conservé mes valeurs et je sais que j’ai toujours ma raison d’être. C’est le principal. Je n’ai que 44 ans, il me reste encore beaucoup à réaliser. Quand on passe par où je suis passé, on se rend compte qu’il faut apprécier chaque instant de la vie au maximum, car on ne sait jamais quand tout peut se terminer», conclut-il. Parole d’un homme qui s’entête à voir le positif dans l’adversité.