Le retour de l’éducation à la sexualité au Québec
SEXUALITÉ. À Trois-Rivières, la direction de l’école secondaire Chavigny n’est pas restée là à attendre qu’il se passe quelque chose. Depuis deux ans officiellement, les élèves de l’établissement bénéficient du Programme d’éducation à la santé affective et sexuelle (PESAS), similaire au nouveau projet pilote lancé par Québec en septembre dernier.
L’auteure, la sexologue Isabelle Borduas, a mis en place le PESAS en 2007. Ce dernier a permis de former plus de 70 intervenants dans les milieux de l’éducation, de la santé et du communautaire afin d’animer les rencontres.
À Chavigny, la direction peaufine l’intégration de ce projet depuis 2010. En cinq ans, plus de 1 400 élèves de la sixième année du primaire à la cinquième année du secondaire ont effectué une démarche de réflexion sur la sexualité, adaptée à leur groupe d’âge ainsi qu’à leur réalité.
En conférence de presse le 22 mai 2014, l’infirmière scolaire de l’école, Danielle Lamothe, avait d’ailleurs constaté une bonne intégration des notions apprises dans le quotidien de ces jeunes.
Ces résultats ont de quoi réjouir l’auteure du PESAS. Selon cette dernière, la sexualité est au cœur de l’identité d’une personne et elle ne se limite pas seulement aux comportements sexuels. Bien au contraire !
«Faire l’éducation aux infections transmissibles sexuellement (ITSS), c’est facile. Lorsqu’on arrive au niveau émotionnel, c’est beaucoup plus gris. Il n’y a pas de réponses noir ou blanc, d’où l’importance de prévoir des espaces de discussion afin de laisser les jeunes réfléchir. Il ne faut pas seulement protéger son corps, mais également son cœur des blessures affectives», a soutenu Isabelle Borduas.
Elle ajoute qu’avec internet et la télévision, les jeunes n’ont jamais été aussi désinformés : «Les questions sur la sexualité ont toujours été présentes, il faut donc offrir des occasions de réponses si l’on souhaite que les jeunes n’aillent pas chercher l’information ailleurs. Les programmes comme le PESAS et le projet pilote du Ministère sont essentiels. Je félicite le gouvernement!»
Un projet utopique ?
Le seul doute qui persiste dans l’esprit de la sexologue Isabelle Borduras après avoir pris connaissance du programme d’apprentissage en éducation à la sexualité de Québec est le côté réaliste de la formation.
Si le PESAS comporte seulement deux animations par année afin de ne pas «écraser» le personnel scolaire sous la tâche, le projet pilote du gouvernement en comportent entre 10 et 15 rencontres.
«Ce n’est déjà pas facile de demander aux professeurs de se libérer pour donner les différents apprentissages, je crois donc que 5 à 15 heures par année est trop demandant, en a-t-elle conclu. De façon réaliste, je ne suis pas certaine que cela va fonctionner. C’est trop ambitieux. Cela me paraît énorme et même un peu utopique sur les bords».
Sinon, le contenu des deux programmes est sensiblement le même, à la différence près que celui de Québec débute dès le préscolaire, soit à cinq ans. «L’éducation sexuelle, c’est l’éducation à la relation à l’autre, aux différents types d’amour, aux différences et aux ressemblances. Cela touche tous les âges», a affirmé Isabelle Borduas.