Un Shawiniganais au pays de Trump

Donald Trump a fait mentir les sondages en devenant le 8 novembre le 45e président des États-Unis mais ce dénouement n’a pas réellement surpris un électeur de Savannah, ville de plus de 130 000 habitants dans l’État conservateur de la Géorgie.

Citoyen américain depuis 2007, Jean-Jacques Bellemare estime que le résultat est davantage la défaite de Clinton que la victoire de son adversaire. «Les démocrates avaient une candidature faible. Hillary Clinton ne s’est pas présentée comme une personne inspirante. Elle n’avait pas de colonne et aucune connexion avec les électeurs», analyse le Shawiniganais qui s’était impliqué dans les campagnes victorieuses de Barack Obama en 2008 et 2012.

Jean-Jacques Bellemare était lui-même un partisan affiché de Bernie Sanders lors de la primaire démocrate visant à déterminer un candidat à l’élection présidentielle. «La Géorgie est un État déjà acquis pour les républicains. J’ai donc voté pour une candidate du parti vert pour signifier mon désaccord avec la candidature de Clinton. Évidemment, si j’avais été en Floride, je me serais pincé le nez et j’aurais voté pour elle.» Au vu des résultats, il semble que plusieurs démocrates aient agi comme le Shawiniganais, soit en boudant le scrutin ou en votant pour un tiers parti.

Bien qu’il incarne tout ce que Jean-Jacques Bellemare déteste chez les Américains, Donald Trump a su se présenter devant l’électorat comme un homme du peuple. «Je ne crois pas en sa sincérité mais c’est quelqu’un qui a la capacité de convaincre, qui est en mesure de closer la vente comme on dit d’un vendeur de voitures usagés.»

Lui qui réside aux États-Unis depuis près de 20 ans, le Shawiniganais voyait venir ce séisme électoral. «À mon arrivée en 1998, j’étais professeur en Louisiane et je gagnais 28 000$ par année. Aujourd’hui, je suis chauffeur d’autobus et mon salaire est demeuré le même. Ce pays est très différent de celui que j’ai connu. Il y a une frustration qui est palpable. L’économie a progressé sous Obama mais c’est Wall Street qui en a profité, pas la classe moyenne», déplore-t-il, expliquant que cette situation a constitué un boulet au pied d’Hillary Clinton, justement associé à l’establishment des marchés financiers.

Du nouveau président, Jean-Jacques Bellemare a apprécié son discours sobre de la victoire mais craint tout de même pour l’avenir, surtout pour les minorités qui pourraient être la cible d’intimidation. «Ça risque d’être une présidence macho, misogyne et autoritaire comme l’a été le ton de la campagne. C’est quand même un homme qui a parlé d’interdire l’entrée aux musulmans et accusé les Mexicains d’être des voleurs. Sa base militante carbure aux radios poubelles et peut perdre les pédales. Il a aussi réussi à rassembler une coalition de travailleurs désabusés», termine Jean-Jacques Bellemare toujours aussi attaché à son Shawinigan natal.