Une maison, 800 pneus

HABITATION. Écolo dans l’âme, Jean-Nick Trudel rêvait d’une maison en pleine cohérence avec ses valeurs. Fortement inspirée du concept Earthship Biotecture au Nouveau-Mexique, sa maison d’écologie radicale va bien au-delà des 800 pneus recyclés qui font office de murs et de fondations.

«C’est un concept qui faisait beaucoup de sens pour moi», explique-t-il, conscient que son projet à Saint-Élie-de-Caxton en intrigue plus d’un. «Il y a un problème d’entreposage de vieux pneus dans le monde et c’est un excellent matériel pour faire une structure.»

La biotecture au service de ses valeurs

Diplômé notamment en développement rural intégré, le Mauricien de 29 ans était intéressé par le concept de «biotecture», point de rencontre entre la biologie et l’architecture. Il a suivi une formation d’un mois et demi à la Earthship Biotecture Acadamy à Taos au Nouveau-Mexique en 2013. Il a prolongé ce séjour de quelques semaines pour habiter ces maisons singulières et mettre en application certains concepts.

Les habitations de type Earthship Biotecture répondent à des critères précis, comme l’utilisation de matériaux naturels et recyclés, la présence d’un système de climatisation et de chauffage solaire passif, la récupération des eaux de pluies, le traitement domestique des eaux usées, l’utilisation d’une énergie renouvelable pour l’électricité et, ultimement, la production alimentaire.

«Ça fait un peu peur pour quelqu’un qui ne sait pas comment s’y prendre. Le plus grand questionnement des gens c’est souvent par rapport aux pneus, observe-t-il, mais on ne les voit pas au final et il n’y a pas d’émanations.»

En tout, pas moins de 800 pneus remplis (manuellement!) de sable ont été empilés, par-dessus lesquels s’ajouteront quatre pieds de terre et une isolation rigide formée de panneaux de cœurs de portes. À long terme, cette masse thermique permettra de maintenir naturellement la température de la demeure à 17 degrés Celsius et ce même – et surtout – en hiver.

«Les conditions dans le désert du Nouveau-Mexique sont extrêmes. Si une maison peut être autosuffisante là-bas, elle peut l’être à peu près n’importe où», fait-il remarquer.

Orientée vers le sud, la maison comprendra notamment une serre à l’avant qui permettra d’emmagasiner une chaleur qui sera diffusée vers l’intérieur à l’aide d’un système de trappes et d’air plus frais provenant du sol. La maison de Jean-Nick Trudel sera alimentée en électricité à l’aide de panneaux solaires et sera autosuffisante en eau. «Je veux que ma maison travaille pour moi, pas le contraire.»

Construction pleine conscience

«Je ne vois pas ce que je peux faire de plus utile pour augmenter ma qualité de vie», estime Jean-Nick Trudel. Il croit que ce type de maison peut notamment plaire à des jeunes aux valeurs environnementales qui souhaitent s’installer en campagne sans avoir à payer des maisons hors de prix.

«Si on ne produisait plus rien demain matin, les gens pourraient quand même se construire ce genre de maisons», soutient-il.

Soucieux de ses choix de consommation, il adhère à la règle des 3R – Recycler, réutiliser, réduire. «Jeter des choses, c’est simplement les mettre dans un endroit où elles sont moins évidentes, mais elles sont encore là. L’ensemble des pneus qui existent dans le monde sont cachés dans des dépotoirs, dans l’eau ou ils sont brûlés, mais le problème demeure. Ça me semblait évident de les utiliser pour ma maison.»

Il n’y a pas que les pneus qui sont recyclés dans cette habitation. Il a récupéré plusieurs matériaux, portes, bois de grange pour sa construction, le tout dans un périmètre rapproché, soit en Mauricie.

Saint-Élie-de-Caxton continue de se démarquer

«Tout a commencé ici», indique Jean-Nick Trudel, rencontré dans la yourte principale du Rond Coin à Saint-Élie-de-Caxton. «Ce sont les propriétaires qui ont ouvert la porte aux projets différents, aux habitations d’expérience, aux maisons insolites.»

Originaire de la Mauricie, il était clair pour lui qu’il s’établirait à Saint-Élie-de-Caxton notamment pour la vie communautaire et culturelle qui s’y trouve. L’ouverture de l’inspectrice municipale a facilité la concrétisation de son projet peu commun.

D’ailleurs, deux autres propriétés semblables sont présentement en construction à ses côtés, dont les propriétaires ont également suivi la formation à la Earthship Biotecture Acadamy.

Jean-Nick Trudel travaille à temps perdu sur ce projet d’envergure depuis l’automne 2015. Il prévoit terminer sa résidence en juin 2018. Au final, sa maison d’une superficie de 1500 pieds carrés, pour laquelle il n’aura pas à payer d’électricité ou de chauffage, lui coûtera moins de 100 000$.

Et il est là pour y rester. «Je veux vivre dans cette maison jusqu’à 100 ans. Elle a été pensée pour ça», explique-t-il.

«Quand on demande à mon neveu de deux ans et demi ce qu’il y a dans ma maison, il répond… de l’amour! Il a raison», conclut-il en souriant.

Il est possible de suivre l’avancement de ses travaux sur la page Facebook «Maison d’écologie radicale à Caxton». Pour plus d’informations, il est possible de visionner les documentaires Garbage Warrior et New Solutions, disponibles sur YouTube. Il est également possible de consulter le site www.earthship.com.