Des idées de grandeur depuis vingt ans

TOURISME. Souvenir d’un passé industriel, hommage à un patrimoine hydroélectrique… il y a vingt ans, en juin 1997, la Cité de l’énergie, érigée en plein cœur de Shawinigan, était inaugurée en grande pompe. Ce qui pour certains semblait un projet ambitieux, voire démesuré, est aujourd’hui devenu un emblème où convergent annuellement près de 150 000 visiteurs. Bilan et regard sur l’avenir avec M. Cité de l’énergie, Robert Trudel.

Photos, découpures de journaux, distinctions… Les murs bien garnis du bureau du directeur général témoignent de son attachement à l’attrait récréotouristique qu’il gouverne depuis ses débuts, contre vents et marées.

«Toutes les larmes que j’ai versées ici», confie-t-il. Et ce ne sont pas les critiques de ceux qui le traitaient de fou qui l’ont tant abattu. «Parce qu’on rencontrait des difficultés, parce que l’argent ne débloquait pas, parce que tout tombait à l’eau. Je recommençais continuellement. Chaque projet que j’ai fait, je pensais que ça tombait à l’eau. J’ai passé des nuits à crier, à chialer, à passer des rages, à pleurer… Et chaque fois qu’un projet aboutissait, j’avais envie de recommencer», raconte l’homme aujourd’hui âgé de 73 ans.

On ne peut certainement pas reprocher à Robert Trudel de manquer de ténacité.

Un peu d’histoire

La tour a été édifiée il y a 20 ans, mais l’idée de départ est apparue bien des années auparavant. «La première idée de faire un musée sur l’électricité a été lancée en 1944 par l’un des vice-présidents de la Shawinigan Water and Power Company, mais ça n’avait pas abouti», raconte Robert Trudel.

«Dans les années 60 et 70, avec la fermeture des usines, c’était la panique générale à Shawinigan: on fait quoi pour remplacer la grosse industrie? Les études ont toutes démontré que l’avenir de Shawinigan devrait passer par le tourisme et la petite et moyenne entreprise», poursuit-il.

Un partenariat s’est formé dans les années 80 entre Hydro-Québec, Alcan, Belgo, Ville de Shawinigan et Ville de Shawinigan-Sud afin de créer ce qu’on appelait le «Centre d’interprétation de l’industrie de Shawinigan», dont le but était notamment de mettre en valeur le patrimoine du site des chutes.

C’est en 1986 que Robert Trudel a été désigné comme directeur général, lui qui s’impliquait déjà dans le développement touristique de la ville. «De 86 à 1996, ça été un parcours fou furieux pour essayer de collecter de l’argent des deux paliers de gouvernement. Ça été une course à obstacle pendant 10 ans», se souvient-il.

La Cité de l’énergie a finalement ouvert ses portes en 1997, dans le but de diversifier l’économie, mais aussi de mettre en valeur le patrimoine des grandes industries qui sont à l’origine de la ville de Shawinigan: les pâtes et papiers, l’hydroélectricité, l’aluminerie et l’électrochimie.

«Je savais ce que je voulais: faire un centre de sciences, en vulgarisant des principes scientifiques pour que toute la famille comprenne», raconte l’ancien professeur de mathématiques, de physique et de chimie.

Pour l’anecdote, la tour d’observation est un ancien pylône d’Hydro-Québec utilisé pour une ligne temporaire qui traversait le fleuve Saint-Laurent à la hauteur de Grondines. C’est Robert Trudel qui, un soir en revenant de Québec, a eu un éclair de génie en apercevant la structure, sans savoir si elle tiendrait la route.

Un pari relevé

«Autant j’ai passé pour un fou au début, autant aujourd’hui, sans me vanter, les gens m’admirent», constate Robert Trudel.

«Ma plus grande fierté, c’est la fierté des gens de Shawinigan envers la Cité de l’énergie. La deuxième, c’est de n’avoir aucune année déficitaire en 20 ans et 66 millions de dollars investis.»

Toutes les activités combinées de la Cité de l’énergie attirent, dès les débuts, entre 120 000 et 150 000 visiteurs chaque année. «La première année c’était l’enfer», se souvient-il. «On perdait la carte tellement il y avait du monde, ça faisait la queue pour entrer.» Le secret de cet engouement? «C’est le côté historique, novateur et ludique qui intéresse. Ils apprennent en s’amusant», croit-il.

Le complexe touristique et culturel est aujourd’hui presque en tous points semblable à l’idée que le directeur général s’en faisait au départ. «La seule chose que je n’avais pas pensé, c’est la question des spectacles. Ça nous prenait quelque chose pour retenir les visiteurs le soir.»

Son plus beau souvenir de ces 20 dernières années? «L’inauguration du spectacle Kosmogonia, où j’avais réussi à réunir le premier ministre du Canada Jean Chrétien et le premier ministre du Québec Bernard Landry. Un moment unique dans les annales politiques», estime-t-il.

La plus grande déception de Robert Trudel, s’il en est une, est de constater que beaucoup de Shawiniganais n’ont jamais mis les pieds à la Cité de l’énergie. L’invitation est lancée.

Pas de retraite… avant 20 ans

Robert Trudel, qui a connu des épreuves de santé dans les dernières années, se sent aujourd’hui rajeuni de 50 ans. Pas question pour celui qui s’est mis à la cigarette électronique d’arrêter avant vingt autres années, ce qui le mènerait en 2037… à 93 ans. «Mon plus grand rêve est de mourir à la Cité de l’énergie. Je ne sais rien faire d’autre dans la vie que travailler. Et pour moi ce n’est pas du travail. Je m’amuse.»

Que lui reste-t-il à accomplir d’ici là? «Ce ne sont pas les projets qui manquent, mais il faut y aller selon nos moyens financiers. (…) Mon plus grand projet à moyen terme serait d’éclairer la tour comme le pont Jacques-Cartier, avec un système qui change de couleur. Comme la tour Eiffel à Paris.»

 

La Cité de l’énergie en bref:

– Des investissements de 66 millions de dollars depuis 1997

– Entre 120 000 et 150 000 visiteurs annuellement

– Spectacle multimédia, tour d’observation, exposition permanente, musée de l’ex-premier ministre Jean Chrétien, croisière sur le Saint-Maurice, visites guidées, tour de ville, etc.

– Quatre spectacles: Kosmogonia, Eclyps, Amos Daragon et Dragao

– Trois sites:

    1. Le Centre de science qui comprend la tour d’observation, l’amphithéâtre extérieur et le Musée Jean Chrétien: Le Canada dans le monde

    2. Le secteur historique qui regroupe l’ancienne centrale N.A.C., la centrale Shawinigan-2 et les vestiges des centrales de Shawinigan-1 et Alcan-16

    3. Espace Shawinigan, dans l’Ancienne-Aluminerie-de-Shawinigan