Le morceau de casse-tête manquant
ADOPTION. Après des décennies à chercher et à retourner différents scénarios, le Shawiniganais Gaston St-Pierre, 72 ans, pourra enfin connaitre le nom de sa mère biologique. Comme pour des milliers de Québécois adoptés, la Loi 113, dont certaines modifications sont entrées en vigueur le 16 juin dernier, est sur le point de résoudre le mystère de sa vie.
«C’est important pour moi de comprendre ce qui s’est passé dans mon enfance», explique-t-il, assis devant la précieuse boite qui contient toutes ses démarches depuis bientôt quarante ans. Remettre son adoption en contexte, comprendre qu’il n’a pas été abandonné… «J’ai hâte. Ça va me rassurer sur plusieurs points.»
Gaston St-Pierre, qui a grandi dans le secteur Grand-Mère, avait 10 ans lorsqu’il a appris que ses parents n’étaient pas ses parents biologiques. Un choc. Il a vécu une enfance heureuse, même s’il a senti que son adoption avait probablement été imposée à ses parents adoptifs. À une époque où les secrets de famille étaient emportés dans la tombe, difficile d’obtenir plus de détails.
Tout au long de sa vie, à chacun de ses anniversaires notamment, il pensait à sa mère. «Est-ce qu’elle pense à moi?», s’est-il souvent questionné.
Qui suis-je?
C’est à la suite du décès de son premier enfant à la naissance que l’idée de retrouver sa mère biologique a commencé à germer. «Je me suis dit que ce serait bien de retracer mes antécédents familiaux. » C’est finalement plusieurs années après la naissance de sa fille unique qu’il a acheminé sa demande auprès du Centre jeunesse de sa région, en 1982.
Il a alors pu apprendre quelques détails sur son adoption et sa mère biologique, sans connaitre son identité, puisque cette dernière n’avait alors fait aucune démarche officielle pour le retrouver.
Sa mère lui a donné naissance le 29 mai 1946, à l’âge de 23 ans, à l’Hôpital de la Miséricorde à Montréal. Même si les papiers de consentement ont été signés le 2 juin suivant, l’enfant a officiellement été adopté à la crèche de l’Hôpital St-Joseph de Trois-Rivières en septembre 1947, soit un an plus tard.
«Caractère un peu difficile (jugement de valeur de l’époque)», peut-on lire à propos de sa mère dans les documents qu’il a reçus. Voulait-elle vraiment se départir de son enfant? Plusieurs questions restent sans réponse.
Puis, un soir de 1998, alors qu’il s’apprêtait à sortir de la maison, il a reçu un appel d’un intervenant du Centre jeunesse qui lui apprenait que sa mère biologique était décédée au début des années 90′ d’un cancer du poumon. «Je suis resté très surpris. Ça fait très bizarre d’apprendre ça. C’est difficile à expliquer.»
Le test d’ADN du service en ligne Ancestry a relevé quelques personnes ayant un lien de parenté éloigné avec lui, mais aucun parent proche.
Dans les derniers mois, il a reçu une boite de photos appartenant aux membres décédés de sa famille adoptive où il se reconnait, pour la première fois, en compagnie d’une jeune femme alors qu’il était bébé. Est-ce elle? Plusieurs détails concordent…
Une loi qui vient lever le voile
Le 18 juin 2018, Gaston St-Pierre a finalement transmis, par courrier recommandé, son formulaire officiel de demande de renseignements au service centralisé mis en place par le gouvernement du Québec. M. St-Pierre a reçu un accusé de réception par la poste le 5 juillet dernier.
Depuis, plus rien. L’attente, encore et toujours. Entre quelques jours ou quelques mois, difficile de savoir combien de temps cette attente finale durera.
«C’est frustrant parce que nous pensions avoir la réponse immédiatement de nos centres locaux, mais à la dernière minute nous avons appris que ce serait un service centralisé. Ce sont des délais de plus», explique M. St-Pierre.
Après plus de cinquante ans de vie commune, sa conjointe Nicole Boisvert est aussi émotionnellement impliquée que lui. «Nous avons hâte de savoir pour nous, pour nos petits-enfants. On ne sait pas comment on va réagir.»
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Des milliers de personnes touchées dans la région
ADOPTION. La nouvelle loi concerne environ 300 000 dossiers officiels d’adoption au Québec, dont plus de 12 000 dans la région.
«C’est une partie d’eux-mêmes qui leur est redonnée. Connaitre l’identité de sa mère biologique, ça donne quelque chose de concret, une appartenance. Ça rend réel et complet, ça amène un équilibre dans une vie», explique Dominique Marchand, coordonnatrice aux Services aux origines, organisme partenaire du Centre jeunesse de la Mauricie et du Centre-du-Québec.
«Le service centralisé a reçu plus de 10 000 demandes la première semaine», explique Mme Marchand.
Difficile d’évaluer le temps d’attente pour obtenir une réponse. «Les dossiers seront traités par ordre d’entrée et de priorité», ajoute-t-elle. Un mois après avoir acheminé leur demande, certaines personnes ont déjà reçu les renseignements demandés, d’abord par un appel téléphonique, puis par courrier.
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Modification de la loi en bref
Pour la personne adoptée | Elle pourra désormais, sur demande, connaitre son nom et prénom d’origine, ainsi que l’identité d’un parent biologique si ce dernier est décédé depuis plus d’un an.
Pour les parents biologiques | Les parents biologiques encore vivants ont jusqu’au 16 juin 2019 pour refuser la divulgation de leur identité en complétant un formulaire.
Création d’un service centralisé | Pour répondre au lot de demandes, une ligne téléphonique centralisée a été créée (1-888-441-7889) ainsi qu’une adresse courriel (infoadoption.cisssme16@sss.gouv.qc.ca). Toutes les informations sont disponibles à Québec.ca/info-adoption.