«Le secteur agricole étouffe à petit feu»
L’UPA Mauricie s’inquiète de la hausse fulgurante du prix des terres
SPÉCULATEURS. Alors qu’un rapport de Financement agricole Canada révélait que Mauricie-Portneuf était la région en 2017 qui avait connu la plus importante augmentation de la valeur de ses terres agricoles avec 18,8% – contre 8,2% pour l’ensemble du Québec – le président de l’UPA Mauricie tire sur la sonnette d’alarme: «Si le gouvernement n’agit pas d’ici deux ans, c’est la mort du secteur qui nous attend», prédit Jean-Marie Giguère.
Selon l’UPA, la valeur des terres au Québec a bondi de 350% depuis 2005 alors que l’inflation a été limitée à 22% durant la même période. Le syndicat y voit la conséquence de l’arrivée sur le marché de groupes comme Pangea, AgriTerra, Partenaires Agricoles et Investerre qui achètent des blocs de terre pour les louer ensuite aux agriculteurs.
«Il y en a qui jouent à la bourse avec la valeur des terres agricoles, dénonce Jean-Marie Giguère. Depuis cinq ans au Québec, il y a eu 40% d’augmentation. Il n’y a pas un titre qui rapporte autant. Et comme elles ne disparaîtront pas demain matin, c’est un placement sûr.»
Et l’élection récente du gouvernement Legault n’augure rien de bon soutient l’agriculteur de Shawinigan, rappelant que le président de Pangea, Charles Sirois, est le cofondateur de la CAQ et ami proche du nouveau premier ministre. Présente dans plusieurs régions, Pangea est propriétaire d’environ 6000 hectares de terres cultivables, ce qui en fait le plus important au Québec. Preuve que l’entreprise est rentable, la Caisse de dépôt et de placement du Québec et le Fonds de solidarité de la FTQ y investissaient conjointement 20 millions$ en 2017.
100 hectares maximum
L’UPA demande depuis plusieurs années que le gouvernement bloque à 100 hectares la superficie que ces consortiums peuvent acquérir. En campagne électorale, François Legault s’est refusé à imposer cette limite, laissant entendre plutôt que la hausse du prix des terres au Québec était peut-être le fait d’un rattrapage normal par rapport au reste du Canada.
«Dans la tête de M. Legault, qu’il y ait juste deux producteurs au Québec, en autant que les terres se cultivent, il ne voit pas de problème. Ces consortiums se garantissent un taux de rendement et c’est ça qui fait monter l’inflation au niveau des terres», déclare Jean-Marie Giguère.
Celui-ci déplore que les écoles d’agriculture soient remplies de jeunes qui ne pourront jamais devenir propriétaires. «On se retrouve dans une conjoncture où les consortiums offrent aux jeunes des terres agricoles qui ne leurs appartiendront jamais. Qu’est ce qui garantit que ces groupes ne vendront pas dans 5, 10, 15 ans ces terres-là? Ces jeunes qui ne peuvent pas les acheter aujourd’hui ne le pourront pas plus dans dix ans. Nous notre but, c’est d’exploiter la terre, la rentabiliser puis de la transmettre aux générations futures.»
Le président de l’UPA Mauricie note également que cette explosion de la valeur des terres a un impact direct sur le compte de taxes que les municipalités refilent aux agriculteurs. Par exemple, dans son nouveau rôle d’évaluation qui sera en vigueur pour les années 2019 à 2021, la Ville de Shawinigan fait bondir la valeur foncière de son secteur agricole de 12,35%.
«Est-ce que les municipalités vont dorénavant taxer les terres agricoles pour aller chercher de l’argent additionnel? À Shawinigan, il n’y a plus d’industrie. Alors, ils taxent les résidences mais là, ils sont rendus au maximum. Donc, ils se virent de bord et ils disent qu’il reste une partie dans le secteur agricole, pour le peu qu’on a», termine Jean-Marie Giguère.
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