«Le moral n’a jamais été aussi bas»
Les policiers de la Sûreté du Québec sont épuisés
MAURICIE. Des policiers de la Sûreté du Québec (SQ) ont bien du mal à accepter la récente restructuration de leur organisation, dont la révision de la desserte autoroutière.
Plusieurs rapportent un cafouillage dans les opérations courantes de cette transition et disent en subir les contrecoups. L’augmentation des congés de maladie, l’ajout de tâches administratives et le mandat encore plus élargi avec la desserte autoroutière, sans nécessairement avoir les effectifs en conséquence, en sont quelques exemples.
Pour ces policiers, il s’agit d’irritants qui affectent actuellement le moral des troupes dans plusieurs postes de la province où les kilomètres à couvrir sont nombreux, notamment dans les zones plus rurales.
«Au niveau des effectifs, chez nous, on a de la difficulté à atteindre le minimum requis. On fait face à un manque de personnel et c’est généralisé. Ça ne s’en va pas en s’améliorant. La pression est énorme sur nos épaules», témoigne un policier évoluant dans le district Ouest Mauricie-Lanaudière qui souhaite conserver l’anonymat.
«En plus, nous tombons parfois sous le nombre de policiers requis dans la MRC. Avec des responsabilités supplémentaires sans avoir de personnel supplémentaire, ce sont les citoyens qui écopent. Tout ça se fait au détriment de leur sécurité et de la nôtre. On n’ira pas se mettre à risque pour rien en sachant que personne ne peut venir t’aider rapidement s’il arrive quelque chose».
«Sur le terrain, les effectifs sont épuisés, confie pour sa part une policière du Centre-du-Québec. On répond aux appels et c’est pas mal tout. On ne fait pratiquement plus aucune patrouille. On a de la difficulté à pallier au manque de personnel à notre poste et on nous demande régulièrement d’aider des postes voisins qui sont eux aussi en manque de policiers. Tout le monde est découragé. Ça fait longtemps que je n’avais pas vu ça.»
«Les temps sont difficiles à la Sûreté du Québec, fait valoir une autre source policière. Il manque de patrouilleurs partout. Le moral des troupes est aussi affecté par des plaintes futiles, notamment en déontologie, qui sont déposées contre nous.»
L’épuisement des troupes aurait même un impact sur leur rendement. Par exemple, certains policiers admettent qu’ils ont décidé de ne plus émettre de constats d’infraction à moins qu’une situation ne l’oblige réellement.
|Suicides policiers|
En 2017, la Sûreté du Québec a été secouée par une vague de suicides policiers dans son organisation alors que huit policiers se sont enlevés la vie.
La Sûreté du Québec se fait rassurante
Du côté de la Sûreté du Québec, on perçoit la réorganisation en cours d’un autre œil. Au moment où des policiers dénoncent l’épuisement professionnel dont plusieurs sont victimes, on révèle que dans les régions desservies, il n’y a pratiquement pas d’augmentation du taux d’absentéisme, soit moins de 1% lors des deux dernières années.
«Oui, il y a eu plusieurs changements, mais c’est pour bonifier le service aux citoyens, qui est la pierre angulaire. On veut vraiment assurer une meilleure desserte sur tout le territoire. Cette réorganisation n’amène aucune perte d’emploi. Par contre, il y a un réaménagement des effectifs qui doit se faire selon le contrat de travail. En tout temps, nous avons les effectifs nécessaires pour assurer la sécurité du public, et ce, sans compromis», affirme le lieutenant Jason Allard, porte-parole de la Sûreté du Québec.
L’organisation reconnait que l’absentéisme fait partie de la réalité de toute organisation publique ou privée. Une problématique que doit gérer la Sûreté du Québec sur une base quotidienne.
«C’est une réalité aussi chez nous, mais il n’y a aucune augmentation marquée du taux d’absentéisme et des congés de maladie en Estrie, au Centre-du-Québec, en Mauricie ou dans Lanaudière. Cette situation n’affecte naturellement pas la desserte policière», promet M. Allard.
La Sûreté du Québec admet toutefois qu’il s’agit d’une priorité de réduire l’absentéisme au travail et rappelle avoir mis de l’avant des mesures, dont l’optimisation de suivi, des outils de prévention, des groupes de travail, et autres actions qui permettent de réduire ce phénomène.
Le corps policier assure être sensible aux préoccupations des policiers et au travail effectué sur le terrain, même si certains changements peuvent causer de la frustration.
Malgré les déclarations formulées par les policiers, la SQ rapporte ne pas être en manque de personnel.
«On est toujours en embauche; il y en d’ailleurs constamment. Il n’y a pas eu de gel d’embauche non plus. Actuellement, on procède à la redistribution des effectifs et ça va se poursuivre dans les années à venir. On tente toujours d’atteindre le nombre de policiers que nous pouvons avoir dans notre organisation».
Jason Allard rappelle que le but de la réorganisation des postes de la Sûreté du Québec et la venue des centres de service a pour effet de libérer les policiers des tâches administratives pour avoir plus d’effectifs sur le terrain. De plus, M. Allard précise que la réorganisation des horaires est bénéfique pour les policiers.
«Il y a vraiment une volonté d’avoir un bon service à la clientèle, mais aussi d’avoir les effectifs nécessaires en tout temps. On veut avoir la bonne quantité de policiers au bon moment. On n’a pas besoin d’avoir autant de policiers la nuit qu’à l’heure de pointe le jour. Les nouveaux horaires nous permettent une meilleure flexibilité et une adaptation est en train de se faire. Évidemment, on va s’adapter si nécessaire».
L’Écho de Maskinongé a tenté d’obtenir les réactions du président de l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec (APPQ), mais le syndicat a préféré ne pas commenter.
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