Sylvain Girard coupable d’avoir causé la mort
JUSTICE. À la suite d’une lecture d’un long jugement de 50 pages, le juge Jacques Trudel a déclaré l’accusé Sylvain Girard coupable de négligence criminelle causant la mort et de conduite dangereuse causant la mort d’Alexandre Bourque le 4 août 2012 lors d’un tour de bateau sur la rivière Saint-Maurice.
La salle du palais de justice de Shawinigan était complètement bondée par de nombreuses personnes qui voulaient entendre le jugement.
Lorsque le verdict est tombé, certains proches d’Alexandre Bourque se sont pris dans les bras l’un de l’autre, en fondant en larmes.
Sylvain Girard reviendra au palais de justice de Shawinigan le 24 avril prochain pour l’étape des représentations sur sentences des avocats. D’ici là, il ne peut quitter la province de Québec.
Le juge Trudel est revenu sur les circonstances de l’accident, sur le témoignage de l’accusé, de deux experts en défense, en plus de nombreux témoignages de personnes civiles ayant vu ou vécu l’accident.
Lors de l’accident qui s’est déroulé le 4 août 2012, c’était une journée radieuse, sans vent et sans vague sur la rivière Saint-Maurice. Sylvain Girard a fait faire trois tours de bateau à une trentaine de jeunes. Avant le troisième tour, l’accusé amène certains jeunes voir des véhicules automobiles sport de collection qu’il possède. Au troisième tour, Girard a effectué une manœuvre d’un virage devant son chalet, le bateau tangue, un mur d’eau s’élève, les passagers sont éjectés, et les gens constatent l’absence d’Alexandre Bourque. Il sera retrouvé mort noyé le 8 août 2012.
Concernant le témoignage de Sylvain Girard, le juge Trudel indique: «Lorsqu’il est question de vitesse, l’accusé est aussi imprécis qu’hésitant, utilisant des fourchettes de vitesse comportant des écarts relativement importants, mais il insiste pour dire qu’il circulait à vitesse sécuritaire. (…) L’accusé explique que l’ordinateur de bord doit être en fonction pour pouvoir lire sur les indicateurs sa vitesse, mais jamais lui n’allume-t-il l’ordinateur de bord ce que sa femme fait lorsqu’elle conduit. Pourquoi? Cela ne l’intéresse pas, il est expérimenté, il n’a pas de temps de regarder la vitesse, il regarde en avant.»
L’accusé estime avoir pris le dernier virage fatal à 80 km/h, alors que les experts indiquent qu’un virage sécuritaire avec un bateau de type «speed boat», doit être pris à 40 km/h. «Le témoignage de l’accusé se révèle très souvent réducteur et justificatif. Il décrit les événements de la journée et l’accident comme s’il n’en avait pas eu la responsabilité. (…) L’accusé ajoute même qu’au fond, ça ne lui tentait pas de faire faire tous ces tours de bateau aux jeunes. Il avait de la visite chez lui, de la famille, mais en même temps comme ça faisait plaisir aux jeunes, ça lui faisait plaisir à lui. Cette affirmation est contradictoire avec la conduite de l’accusé tout au long de cette journée. (…) C’est à lui qu’il revenait de décider s’il faisait faire un tour ou pas, s’il le faisait faire à un, deux, cinq ou dix passagers. (…) C’est l’accusé qui devait s’assurer d’une conduite sécuritaire pour ses passagers comme pour toutes personnes ou embarcations à proximité de son parcours, surtout dans le contexte d’une randonnée de <@Ri>speedboat<@$p> lors de laquelle la démonstration de performance est au rendez-vous.»
Selon les faits, le bateau comportait cinq places assisses et Girard laisse monter de 8 à 10 passagers, en plus de lui et son fils, donc de 10 à 12 personnes sont à bord à l’un des trois tours de bateau.
Des vidéos déposées en preuve démontrent que l’accusé circulait rapidement et qu’il y avait de nombreux plaisanciers sur la rivière ce jour-là.
Les experts de la défense
Concernant les experts appelés par la défense, le juge indique que les témoignages de Tres Martin et Olivier Bellavigna-Ladoux sont interdépendants «au point où la valeur probante de l’une dépend de l’autre.»
Les hommes soutiennent que la réaction du bateau lors d’un virage dépend de trois points: le devant du bateau pique du nez, on note une rotation soudaine de l’arrière du bateau vers l’extérieur du virage et le bruit d’un moteur qui survire, et le bateau change d’axe et commence à tanguer du côté extérieur. Les experts stipulent que le pilote doit être attentif à l’apparition de ces facteurs. Pour le juge, M. Martin évite souvent les questions ou indique ne pas avoir de réponse. «Pour le Tribunal, il est clair qu’une réponse directe risquait d’incriminer l’accusé.»
Aucun des deux experts ne parle de bris ou de défaut de fabrication, mais d’une caractéristique, voire une faiblesse. Le juge a même noté une objectivité questionnable de l’expert Tres Martin.
Les témoins civils
Plusieurs témoins indépendants les uns des autres ayant témoignés lors du procès indiquait que le bateau de Sylvain Girard allait très vite, et même que certaines personnes craignaient pour leur sécurité. Mme Jocelyne Beaudry a appelé le 911 pour dénoncer la conduite dangereuse, et elle a même pris la décision de sortir son ponton de l’eau pour mettre fin à une randonnée en compagnie d’un groupe.
M. Marcel Gagné trouvait la situation dangereuse au point de décider de ne pas sortir son bateau.
M. Claude Lessard se disait qu’il va finir par y avoir un accident en voyant le bateau les minutes précédant l’accident.
Témoins impliqués dans l’accident
Finalement, le juge Trudel a résumé les témoignages de ceux impliqués dans l’accident, ou ayant fait un tour de bateau. Cette partie de la lecture du jugement a pris d’émotion certaines personnes concernées dans la salle. «Le Tribunal note aussi qu’ils (les témoins) admettent sans détour le plaisir ressenti de voir le bateau de l’accusé et de pouvoir en faire un tour. Certains témoins décrivent aussi l’inquiétude, la peur et une prise de conscience du danger pressenti au cours de leur virée. Un seul d’entre eux décide d’apporter une veste de flottaison pour monter dans le bateau de l’accusé qui ne manifeste à ce sujet d’ailleurs aucune préoccupation selon la preuve.»
Dans la conclusion, on peut lire: «La preuve démontre hors de tout doute raisonnable que la conjugaison des différents éléments et circonstances de la conduite de l’accusé a causé l’accident et à tout le moins de façon appréciable de la mort de la victime. (…) Les nombreux témoignages démontrent aussi hors de tout doute raisonnable que cette conduite présentait un écart marqué par rapport à celle qu’aurait eue une personne raisonnable conduisant une embarcation à moteur, et même le bateau de performance de l’accusé sur les eaux de la rivière Saint-Maurice.»