L’itinérance plus visible à Shawinigan
SHAWINIGAN. Sans l’ombre d’un doute, la situation de l’itinérance est directement liée avec la crise du logement et Shawinigan n’y échappe pas. On peut voir apparaître plus fréquemment des camps de fortune dans différents secteurs de la ville, alors qu’il y a quelques années, l’itinérance était moins visible. Deux intervenants du TRàSH, les Travailleurs de rue expriment leurs points de vue sur l’itinérance.
Bruno Bouchard est travailleur de milieu au centre de jour au TRàSH depuis 2014 dont le local est maintenant situé sur l’avenue Saint-Marc. De son côté, Olivier Huot est coordonnateur clinique au TRàSH et il y travaille depuis 2007.
Pour les gens qui fréquentent le centre de jour du TRàSH, ces intervenants sont souvent le seul lien de socialisation qu’ils peuvent avoir.
« On voit la différence pour l’itinérance et la précarité des gens. Avec moins de logements disponibles dans la communauté, l’itinérance est plus visible qu’avant. Les gens arrivent ici plus vulnérables qu’avant et c’est lié aux besoins de base. Premièrement, les gens ne dorment pas. On voyait des gens qui s’assoupissaient au centre de jour avant, là ce n’est pas rare de voir plusieurs personnes dormir. Ils viennent dormir ici parce que toute la nuit, ils ont été en mode survie et vigilance. Ils ont plus faim qu’avant, ils ont plus peur, ils sont plus stressés. C’est beaucoup plus tendu que ça pouvait l’être avant », exprime d’entrée de jeu le coordonnateur Olivier Huot.
Bruno Bouchard appuie son collègue. « Dors trois jours dehors, fais du cristal meth trois jours, ne mange pas pendant trois jours, ne prends pas de douche trois jours, on se retrouve avec des situations assez explosives! »
Certains campements ont frappé l’imaginaire au cours des derniers mois. Notamment celui près de la Plaza de la Mauricie, ou plus récemment un autre derrière l’ancien Tim Hortons.
M. Huot a parlé de la crise du logement, mais aussi du coût de la vie qui ne cesse d’augmenter. « Les gens qui sont en situation d’itinérance, c’est loin d’être le party. Ils consomment aussi pour oublier leur passé et geler leurs émotions. »
« Est-ce que tu vivrais de l’itinérance à jeun? », questionne Bruno Bouchard. « La réalité à Shawi avant, c’était les logements qui étaient disponibles. On voyait des pancartes à louer partout. À la limite il y avait des logements libres, alors le monde pouvait squatter certains endroits. Peut-être que la personne n’était pas fiable et qu’elle allait perdre son appartement après trois mois, mais pendant ces trois mois-là, elle n’était pas dans la rue. Ce qui n’est plus le cas. »
Les deux intervenants indiquent que la rue n’est pas la première option de façon générale. Bien souvent, les gens ont couché chez des amis, et des amis d’amis avant d’en arriver à être dans la rue. « Shawi a aussi longtemps été reconnue pour avoir le prix des loyers bas. Les gens viennent d’un peu partout au Québec pour cette raison. Avec un chèque d’aide sociale, c’est possible d’avoir une meilleure qualité de vie qu’à Montréal. Il y a une grosse proportion de ces gens qui ne sont pas nés à Shawi, et ils étaient là avant la montée du coût de la vie et de la crise du logement. Ça prit beaucoup de gens par surprise. Est-ce le système locatif le problème? En même temps, un propriétaire veut faire de l’argent en achetant un bloc. Il ne fait pas ça pour loger du monde. Le propriétaire va choisir une personne avec un travail avant celle qui n’en a pas, et c’est normal », ajoute Bruno.
Olivier Huot avance un autre questionnement aussi. « Est-ce qu’il y a plus de monde qui est désaffilié, ou on rejoint plus les gens qu’avant? Est-ce que le nombre total est représentatif de la situation, ou c’est le TRàSH qui va plus loin sur le territoire? Parce que la fréquentation du centre de jour a vraiment augmenté. »