Les étouffements sont en hausse chez les enfants, prévient une nouvelle étude

MONTRÉAL — Les cas d’étouffements suffisamment graves pour nécessiter une visite à l’urgence et même une intervention chirurgicale sont en hausse depuis quinze ans, suggère une nouvelle étude publiée par une équipe de l’Université Laval et du Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval.

Ce bond du nombre d’enfants admis à l’hôpital à la suite d’un épisode d’étouffement causé par l’aspiration d’un aliment pourrait être attribuable à une méconnaissance des risques que posent certains aliments et à l’engouement des parents pour l’alimentation autonome chez l’enfant, croient les auteurs.

«Malgré cette augmentation, ce sont toutes des choses qu’on savait déjà dangereuses pour les enfants, comme les noix, les graines et les légumes durs», a dit la première auteure de l’étude, la docteure Justine Veilleux qui était résidente en pédiatrie à l’Université Laval sous la supervision du professeur Patrick Daigneault au moment de ces travaux.

«Donc, ce qu’on voit, c’est qu’il y a peut-être une méconnaissance dans la population des bonnes pratiques en termes d’alimentation pour réduire les risques.»

Les auteurs de l’étude ont examiné les dossiers de jeunes de 0 à 17 ans qui avaient été admis au Centre mère-enfant Soleil du CHU de Québec-Université Laval entre avril 2006 et décembre 2020 à la suite d’un épisode d’étouffement. Ce centre hospitalier accueille tous les enfants de l’Est du Québec qui ont eu un épisode d’étouffement et qui présentent des symptômes comme de la difficulté à respirer ou une toux persistante.

Au cours de cette période, un peu moins de 200 enfants ayant un âge moyen de 31 mois ont été soumis à un examen des voies respiratoires sous anesthésie afin de déterminer si le corps étranger était toujours présent et, le cas échéant, le retirer.

Le nombre d’enfants nécessitant un séjour hospitalier à la suite d’un épisode d’étouffement a explosé de 87 % entre les cinq premières et les cinq dernières années de la période couverte par l’étude – période pendant laquelle le nombre d’admissions toutes causes confondues au Centre mère-enfant Soleil a grimpé de seulement 25 %.

Le corps étranger aspiré par l’enfant était un morceau de nourriture dans les trois quarts des cas. Les carottes et les noix et les graines arrivent pratiquement ex aequo en première place, avec approximativement un cas sur cinq. Suivent les arachides et le maïs soufflé (environ un cas sur dix), puis les fruits fermes ou les légumes autres que les carottes.

Dans sept cas sur dix, l’aliment responsable se retrouvait sur la liste de ceux auxquels il faut porter une attention particulière en raison des risques qu’ils présentent pour les jeunes enfants.

Un tiers des épisodes sont survenus pendant la fin de semaine, alors que les enfants passent plus de temps avec leurs parents. Les auteurs de l’étude soulignent parallèlement que les professionnels des soins d’enfants sont possiblement plus éveillés aux risques d’étouffement et aux mesures à prendre pour les éviter.

La vaste majorité des épisodes d’étouffement, soit 85 %, sont ainsi survenus à la maison, huit fois sur dix au moment où l’enfant était sous la supervision de ses parents. Dans quatre cas sur dix, la situation était suffisamment grave pour justifier qu’un témoin de la scène, souvent un parent, intervienne pour aider l’enfant à libérer ses voies respiratoires.

L’intervention allait d’une simple tape dans le dos à une réanimation cardiorespiratoire, «ce qui met en relief l’importance d’éduquer les parents à la pratique adéquate de ces manœuvres», préviennent les auteurs de l’étude.

Les auteurs ont recensé un seul décès attribuable à un épisode d’étouffement pendant la période de leur étude, mais 10 % des patients ont dû être intubés et 16 % ont eu besoin d’un séjour aux soins intensifs.

«Les stratégies de prévention des épisodes d’étouffement devraient viser à éduquer les parents sur les risques, y compris les aliments qui peuvent être consommés sans danger à un jeune âge, les comportements sûrs à adopter en mangeant et la manière de garder les petits objets hors de portée de l’enfant, écrivent ainsi les auteurs. Cette étude souligne la nécessité d’une meilleure éducation des parents et devrait encourager les cliniciens à aborder les risques d’aspiration de corps étrangers avec les familles.»

Les chercheurs croient qu’une partie de la hausse mesurée provient possiblement de l’engouement pour la diversification alimentaire menée par l’enfant, une approche qui incite l’enfant à jouer un rôle actif dans son alimentation en mangeant par lui-même des aliments coupés en morceaux.

«On ne peut pas dire si cette méthode est dangereuse ou pas, mais on se demande s’il n’y a pas des parents qui pratiquent cette méthode sans bien connaître les aliments qui sont sécuritaires ou pas à offrir aux enfants», a commenté la docteure Veilleux.

Exception faite des aliments, 8 % des cas d’étouffement étaient attribuables à des jouets et 17 % à des objets variés.

Les auteurs notent que 10 % des épisodes d’étouffement sont survenus alors que l’enfant courait. Huit pour cent des épisodes se sont produits lorsque l’enfant a mangé quelque chose qui lui avait été donné par un individu autre que son parent et 13 % quand l’enfant a mangé quelque chose trouvé sur le sol.

Plus des trois quarts des patients avaient moins de trois ans et 65 % d’entre eux étaient des garçons.

«On sait que les accidents sont une des causes de mortalité les plus importantes chez les enfants, a rappelé la docteure Veilleux. Donc, quand on peut prévenir et empêcher des événements qui nuisent à leur santé, (il faut) intervenir pour garder les enfants en santé. (Et dans ce cas-ci), c’est quand même quelque chose qui est évitable en faisant attention.»

Les conclusions de cette étude ont été publiées par la Revue canadienne des soins respiratoires et critiques et de la médecine du sommeil.