Trudeau fera bientôt un autre remaniement après le désistement de quatre ministres

OTTAWA — Alors qu’un complot de mutinerie couve dans les rangs des députés libéraux d’arrière-ban et que quatre autres ministres du cabinet fédéral ont décidé de ne pas se représenter aux prochaines élections, la tentative du premier ministre Justin Trudeau de remettre à flot le navire libéral et de rester à la barre devient de plus en plus difficile.

M. Trudeau devrait remanier son cabinet pour la troisième fois depuis juillet, après qu’une autre cohorte de ministres l’a informé qu’ils ne seraient pas candidats aux prochaines élections.

Filomena Tassi, ministre responsable de l’Agence fédérale de développement économique pour le sud de l’Ontario, a annoncé jeudi qu’elle ne se présenterait pas de nouveau, pour des motifs personnels.

La ministre des Sports, Carla Qualtrough, a également publié une déclaration pour annoncer qu’elle ne se représenterait pas. Elle a offert peu de détails, sauf pour dire qu’il était temps pour elle de passer à autre chose.

Le ministre des Affaires du Nord, Dan Vandal, a lui aussi annoncé jeudi qu’il avait décidé qu’il était temps de passer à l’étape suivante dans sa carrière.

Aucun de ces ministres n’a immédiatement quitté le cabinet. M. Vandal a indiqué qu’il «travaillait avec le cabinet du premier ministre pour assurer une transition ordonnée».

Par ailleurs, une source gouvernementale de haut rang a confirmé l’information, d’abord annoncée par Radio-Canada, selon laquelle la ministre québécoise du Revenu national, Marie-Claude Bibeau, ne serait pas non plus candidate aux prochaines élections. Mme Bibeau, députée de Compton-Stanstead, dans les Cantons-de-l’Est, songerait sérieusement à se porter candidate à la mairie de Sherbrooke en novembre 2025.

On ne sait pas encore à quel moment ce remaniement aura lieu. Mais ce ne devrait pas être avant que tous les membres du caucus libéral ne se réunissent sur la colline du Parlement mercredi prochain — une réunion qui pourrait être assez tendue alors que des députés pourraient bien pousser M. Trudeau vers la sortie.

Bien que la perte de plusieurs ministres ne soit pas une bonne nouvelle pour M. Trudeau, le stratège libéral Andrew Perez estime qu’un remaniement ministériel pourrait être une occasion de couper court à la révolte au sein du caucus. «S’il accorde une promotion à quelques députés d’arrière-ban, voire à quatre, ce pourrait être une bonne chose pour remonter le moral des troupes», a déclaré M. Perez, directeur de la firme Perez Strategies.

Mais cette opération peut être aussi une «arme à double tranchant», prévient Charles Bird, directeur d’Earnscliffe Strategies. «Pour chaque personne récompensée, il y en a cinq ou dix autres qui seront amèrement déçues, ce qui risque d’accroître encore davantage les préoccupations concernant l’avenir du premier ministre.»

Un vote de confiance mercredi ?

Le leadership de M. Trudeau est sous le feu de critiques depuis des mois, alors que les libéraux sont en chute libre dans les sondages, tout comme la cote de popularité du premier ministre.

M. Trudeau est resté jusqu’ici inébranlable dans sa volonté de diriger ses troupes lors de la prochaine campagne électorale, qui doit avoir lieu avant octobre 2025, mais qui pourrait survenir bien plus tôt, puisque le gouvernement libéral est minoritaire aux Communes.

Plusieurs reportages dans les médias ont décrit des plans de plusieurs députés libéraux pour s’unir afin de convaincre M. Trudeau de démissionner de son poste de chef avant le prochain scrutin. On ne sait pas combien de députés ont signé cette lettre, ni combien d’entre eux prévoient se représenter aux prochaines élections.

L’éventualité d’une nomination au cabinet lors du remaniement prochain pourrait refroidir les ardeurs de mutinerie de certains députés, prévient encore M. Bird.

Le caucus ne peut pas forcer M. Trudeau à démissionner, mais un député a déclaré à La Presse Canadienne que des députés discutent de la possibilité de demander un vote de confiance secret lors de la réunion du caucus mercredi prochain.

Organiser une course à la direction avec la précarité du Parlement en ce moment serait risqué, mais si M. Trudeau décidait de se retirer, il pourrait prendre la mesure exceptionnelle, et controversée, de proroger le Parlement afin de donner aux libéraux le temps d’élire un nouveau chef, a souligné M. Perez.

Au moins 18 députés libéraux ont confirmé publiquement jusqu’ici qu’ils ne seraient pas de la prochaine course. Mais deux ministres qui l’ont annoncé ont aussi réitéré leur soutien au premier ministre.

«Je lui souhaite le meilleur maintenant et dans le futur. J’ai cru en lui en 2015 et je crois encore en lui aujourd’hui», a écrit jeudi la ministre Tassi.

La ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly a déclaré jeudi à une station de radio montréalaise que Justin Trudeau pouvait compter sur sa loyauté et a noté qu’il avait déclaré qu’il s’était engagé à rester à la tête du Parti libéral.

«Je sais que les temps sont durs pour mon parti et pour notre gouvernement, nous sommes au pouvoir depuis neuf ans et il y a de la fatigue», a-t-elle expliqué, ajoutant qu’elle pense que les gouvernements en place dans le monde entier sont dans une position similaire.

M. Vandal a lui aussi assuré M. Trudeau de son soutien à la barre des libéraux. Il a aussi critiqué l’approche conspiratrice adoptée par ses collègues, dont il a dit n’avoir entendu parler que dans les médias. «Si vous avez quelque chose à dire, dites-le», a-t-il lancé en entrevue jeudi. «Je pense que la meilleure façon de résoudre les problèmes est de les régler ouvertement, en toute confidentialité, dans la salle du caucus.»

Mme Tassi, qui avait été nommée ministre des Services publics et de l’Approvisionnement en octobre 2021, a demandé au premier ministre l’année suivante de lui confier un autre portefeuille, plus petit, pour des raisons familiales.

Depuis, M. Trudeau a procédé à trois remaniements, dont un majeur à l’été 2023 qui a vu sept ministres quitter le cabinet.

La plupart des ministres qui ont été écartés lors de ce remaniement avaient annoncé qu’ils ne se représenteraient pas, à l’exception du ministre de la Sécurité publique de l’époque, Marco Mendicino, et du ministre de la Justice, David Lametti.

M. Lametti a démissionné de son siège quelques mois plus tard, et le Nouveau Parti démocratique a enlevé la circonscription montréalaise de LaSalle-Émard-Verdun lors de l’élection partielle le 16 septembre dernier.

L’ancien ministre des Transports Pablo Rodriguez est parti le mois dernier pour briguer la direction du Parti libéral du Québec, et l’ex-ministre du Travail Seamus O’Regan a démissionné du cabinet en juillet pour des raisons familiales.